Rencontre avec Bernard Vaquez (décembre 2022)
Bernard Vaquez est né en 1936 et a passé son enfance à Vaire jusqu’en 1947. Il vivait dans le logement de fonction de l’école, son père étant l’instituteur de la commune. Intarissable sur l’histoire du village, il nous conte l’occupation en 1943, à travers les souvenirs d’un enfant de 6 ans qu’il était à l’heure allemande.
Le village d’un enfant à l’heure allemande.
« Il y eut l’évacuation en 1940, deux années avant, mais depuis lors le village avait repris ses activités sans les hommes en captivité. La guerre s’était éloignée et ne se manifestait que peu souvent par le passage d’une patrouille ou d’un véhicule à croix gammée.
C’est au printemps 1943 que le maire fut avisé qu’il y aurait incessamment l’installation d’un cantonnement dans le village. Quelques jours plus tard une unité médicale vint visiter l’école et apposa des bandes blanches autour des portes et des fenêtres pour pouvoir désinfecter ensuite disait-on. Les Allemands s’installèrent peu de temps après, qui dans l’école, qui dans des maisons vides, qui chez l’habitant. Le village s’était transformé sans heurts et quelques sentinelles étaient apparues aux endroits jugés importants : on ne sait jamais ! Aux dires des gens du village la crainte légitime suscitée par les nouveaux arrivants se transforma vite en une prudente observation puis en rapports corrects. La vie reprit son cours. La présence allemande était visible mais discrète.
Les camions allemands qui stationnés dans la ferme Boulnois |
L’école fonctionna dans sa nouvelle installation au château à ma grande satisfaction, car pour me rendre en classe je troquais une traversée de couloir entre l’appartement et la classe pour un petit kilomètre de promenade avec les copains ! pour moi c’était du plaisir ! L’organisation militaire allemande se précisa. Un emplacement circulaire antiaérien pour mitrailleuse antiaérienne fut creusé sur le cœur de l’ancienne église détruite en 1918. Jamais menacée la mitrailleuse de 13 ne servit que pour des tirs d’exercice. La place fut utilisée régulièrement pour diverses activités. Le décrassage physique, le tir à courte portée sur le mur du préau, les évolutions en ordre serré, les marches en chanson viriles occupaient la matinée de la troupe. L’entrainement des motos et side-cars avec passages entre les tilleuls était le clou de cette présentation trop brève à mon gré. Dans le préau de l’école était installée la menuiserie. Un camion classique y fut transformé en ambulance et je fus un observateur et un aide zélé des travaux. Bien trop jeune pour être accusé de collaboration ! Ma mère essayait bien d’éviter que je sois trop proche des soldats mais j’étais appelé par eux dans leur chambrée. J’y allais quand même, quitte à me faire réprimander ! Le jeudi, je me faufilais dans le hangar à camions voisin, une vingtaine de Renault gris à cabine avancée, où j’avais le droit de grimper et de regarder les mécaniciens…
Un soir, au retour du château, tout semblait changé, les Allemands avaient plié bagages. Beaucoup plus tard, j’ai essayé d’en savoir plus sur le destin de cette unité. Sans résultats ! »
Merci à Bernard de prendre le temps de nous partager ses souvenirs